Blood Shell Chapitre 1: Lève toi et tue

Blood Shell

Chapitre 1 Lève toi et tue.

 

C'était un cauchemar, Zhang se réveille en sursaut. Tout va bien, elle a seulement mal à la tête et elle baigne dans le sang. Les informations qui stagnaient dans ses rétines arrivent enfin au cerveau. C'est un peu comme ouvrir les yeux une seconde fois. Avec les premières images, déjà viennent les premières questions. Pourquoi il y a-t-il du sang dans son lit ? Pourquoi ne sent-elle pas ses jambes ? Qui sont ces deux hommes armés de revolvers ? Que fait ce médecin collé à la rambarde du lit ? Les liens se font, ce n'est pas son sang.

L'homme au canon fumant détourne son arme du cadavre de Tang et le dirige vers Zhang hébétée. Il fait un pas en avant, son visage est emprunt de stupéfaction. On dirait qu'il a vu une revenante tandis que sur la gâchette, son doigt est indécis. L'esprit de Zhang flotte encore, l'instinct de survie prend les commandes. Premier mouvement, la main s'empare des lunettes de Tang. Deuxième mouvement, le verre casse sous les doigts. Troisième mouvement, le verre s'enfonce dans la chair de l'assaillant qui laisse tomber l'arme sur le lit en criant de douleur. Deux secondes se sont écoulées. Zhang se regarde prendre l'arme et braquer machinalement l'homme. L'acolyte de l'entaillé hurle quelque chose qu'elle ne comprend pas, elle tourne la tête vers lui comme si cela réactiverait ses tympans. Le porte-flingue n'a pas la politesse d'attendre que Zhang se réveille complètement, il vise la tête et tire. Il est précis, pourtant la balle percute le mur. Comment a-t-elle pu esquiver le projectile ?

Pas le temps de disserter, les réflexes réagissent encore. Sa main tremble et tire neuf coups dans la direction du mâle. Seulement deux atteignent le corps, mais par mégarde, une balle traverse la gorge. C'est au tour du premier tueur de hurler, il arrache un six-coups collé à sa jambe et vise encore la tête de Zhang qui le dévisage. Le crâne de la jeune femme refuse à nouveau de se laisser toucher. En de grands mouvements secs, il sort de la trajectoire des morceaux de fer ardents, jusqu'à ce que l'arme soit vide. Est-ce toujours de la chance ? Les lèvres de l'homme bougent, cette fois la matière grise de Zhang parvient à reconstituer la phrase « Mais comment fais-tu ? ». La belle au bras sanglant lève le neuf-millimètre. Ses dernière balles partent dans la direction de l'assassin, la moitié venge Tang en perforant les boyaux de l'inconnu. « Je crois que je n'ai plus envie de prendre des balles » répond Zhang à rebours. L'oraison est dictée par une voix rouée. C'est bien, elle a retrouvé tous ses sens.

La dame blanche contemple silencieusement la scène de crime en remuant doucement les membres. Un mauvais mouvement provoque un picotement dans sa chair. Elle se rend compte que deux seringues sont plantées dans son épaule gauche. Elle serre les dents et les arrache. C'est de l'adrénaline, quatre fois la dose mortelle, le pauvre Tang ne devait plus rien avoir a perdre pour risquer un coup semblable. Elle relève la tête de son chevalier aux aiguilles, il a le regard doux malgré les rides et l'impacte sur sa tempe. Il devait déjà être mort lorsque le liquide s'est répandu dans son organisme. Le martyr ne saura jamais qu'il a échangé sa vie contre celle de Zhang.

 

La minute de silence est interrompue par des coups et des cris derrière la seule porte de la pièce.

 

Évidemment, les triades n'allaient pas envoyer que deux hommes pour terminer le travail. Zhang se jette hors du lit, mais ses jambes ne suivent pas le mouvement. Elle s'écrase mollement sur le sol tandis que les coups sont de plus en plus forts. Impossible de se relever, ses rotules ont oublié leurs fonctions. Derrière la porte, l'homme ne frappe plus pour qu'on lui ouvre, mais pour ouvrir. La maigre serrure tremble de peur. Zhang laisse son arme vide et rampe vers sa première victime. Elle s'empare du fusil chargé. La serrure est sur le point de céder. L'ensanglantée roule jusqu'à la porte et se colle contre le mur.

Un tirailleur entre avec fracas. Ses ardeurs sont refroidies par les trois morts et le lit vide. Derrière lui une voix l'appelle. Il se retourne et n'aurait pas dû car le père de Zhang lui a appris à ne jamais abattre un homme de dos. Il y a un cadavre de plus dans la pièce et trois balles de moins dans le chargeur de l'éveillée qui constate avec satisfaction qu'elle a retrouvé sa précision. En même temps à deux mètres ça aurait été humiliant. Le pire est passé, le plus dur reste à faire, Zhang est toujours cloué eau sol. Sa tête lui fait affreusement mal et le médecin n'est plus là pour lui donner de l'aspirine. Toutefois il a pris soin de son corps, car visiblement ses muscles ont été travaillés. Heureusement, car sans ça ses réflexes ne lui auraient pas été d'une grande aide. La jeune femme passe négligemment sa main sur son front. Les doigts s'enfoncent dans une crevasse de plusieurs centimètres. Tout porte à croire que le somnifère du gang ne s'est pas enfoncé dans sa cervelle mais a glissé le long du crâne. Va savoir ce qu'il a emporté. Pour l'instant Zhang constate que sa mémoire à été épargnée ou alors que son imagination vient de lui inventer une enfance dans une famille mafieuse. Pas de dossier Jason Fly pour elle, le passé est à sa place, par contre le présent est trouble. Zhang réalise seulement qu'elle ne sait pas où elle est ni qui est ce pauvre médecin à qui elle doit la vie. Les questions ne font qu'accentuer ses maux de crâne. Pour l'instant, elle doit partir et vite.

En dessous du ventre les signaux nerveux sont encore faibles, elle perçoit le sol sans savoir si elle a mal. Tant mieux, car elle violente immédiatement ses jambes pour se relever. Zhang s'érafle le dos sur le mur de briques, ce n'est qu'à la quatrième tentative que les griffures vont jusqu'en bas. Enfin debout, elle surplombe la scène. L'endroit est éclairé par un seul néon qui met en valeur la blancheur du carrelage coloré par un cocktail d'hémoglobine. La chambre est devenue un abattoir mais Zhang ne reste pas pour repeindre les murs. Malgré le poids de son corps elle parvient à marcher doucement. Elle soustrait les morts de leurs berettas qu'elle recharge et troque sa tenue médicale par un pantalon gris et par un manteau en cuir noir pris sur le dernier venu, ils sont un peu petits, mais suffiront pour se fondre dans la foule.

Les armes à la ceinture, Zhang entame son ascension de l'échelle d'acier qui mène vers la seule sortie.

En haut la lumière, le ciel, la ville et la mort l'attendent.

 

Tu pensais vraiment qu'Ils n'enverraient que trois tueurs ? On appelle ça l'avant-garde petite. Tu aurais mieux fait de rester au pays des songes éternels.

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