FDLS 1 Logan  Les héros sont-ils condamnés ?

Le film de la semaine 1 (FDLS)

Logan

Les héros sont-ils condamnés ?

 

Comme ce fut le cas du western, le genre du film de super-héros a connu une naissance, un âge d'or et il va connaître une chute. Non pas que cela signifie que la qualité (toute relative) des films de super-héros va en pâtir, non c'est plus l'image même du super-héros qui en prend pour son grade.

A l'heure actuelle le genre super-héroique est sans doute celui qui rapporte le plus à l'échelle mondiale, quand bien même ce fut plus un genre de niche au tout début. Seulement un grand public implique de grandes responsabilités. Les films « grands publics » ou « populaires » ne sont pas nécessairement des films engagés ou ayant d'autre prétention que de divertir. Ce qui n'est pas un mal en soit, mais il serait absurde de penser que ces films ne sont pas politiques. Car ces films sont des miroirs qui reflètent non seulement la période dans laquelle ils s'ancrent, mais surtout ce que le public veut voir comme héros et icônes. La période des collants moulants et des animatronics est terminée, nos super-héros sont des soldats ou des parias dont l'humanité est le pire handicap quand il s'agit de frapper le grand méchant ou de sauver des civils toujours innocents. De ce point de vue, Logan illustre parfaitement ce changement de ton et d'époque. L'apparition de Wolverine dans la sage X -Men est très spectaculaire, son happening nous montrait la naissance d'un être implacable qui deviendra le bad boy de l'équipe des justiciers. Et après plus d'une demi douzaine d'apparitions ainsi que trois films entièrement dédiés à son corps velu, Logan vient s'effondrer dans un ultime opus que l'on peut qualifier de crépusculaire.

Tout d'abord le film n'est pas sur Wolwerine mais Logan, l'homme derrière le costume, le héros est déjà mort avant les premières minutes du films et toute l'histoire ne sera qu'un long et douloureux processus de destructions de ce qu'il reste : à savoir l'homme et le mythe. Je vais mettre ici un ALERT SPOILER, mais sachant que la campagne marketing a déjà dévoilé la fin de son film je ne dirai rien de plus que ce qui est déjà sur l'affiche.

Revenons à nos moutons ensanglantés, nous sommes face à un Logan qui va être méthodiquement broyé. D'abord physiquement, car son pouvoir ne fonctionne plus aussi bien, mais surtout moralement. En effet, le monde entier attend le héros qu'il n'est plus, Logan n'est jamais acclamé, récompensé ou vénéré. Il est seulement celui qui reste. Rares sont les fois où un « super-héros » fait autant de peine au cinéma, car rien n'est fait pour que l'on admire cet homme : les scènes d'action relèvent de la boucherie, la multiplication de gros plans met en valeur les rides et les cernes, tous ses adjuvants souffrent autant que lui et souvent par sa faute, à cela ajoutons que même ses ennemis ne le respectent pas mais le méprisent comme un clochard atteint d'énurésie. Par ailleurs Logan est un film complètement coupé de la mythologie X-Men à l'exception du professeur Xavier qui est à des années lumières de son rôle de grand sage. Ce choix peut surprendre car l'ensemble des FSH modernes reposent sur cette mécanique, or Logan n'a même pas de séquence post générique. Il s'agit d'un film isolé sur un personnage désormais isolé et c'est cela qui renforce la dimension crépusculaire du film. James Mangold enfonce même le clou en reprenant des scènes canons propre au FSH mais en leur donnant une tonalité réaliste inattendue. Les flash-back passent par du found footage et les scènes de funérailles sont dénuées de musique comme de beaux discours hollywoodien, pour être réduites à de simples enterrements de corps au milieu de nulle part.

FIN DE L'ALERTE SPOILER.

Alors oui Logan reste un film distrayant, mais il est surtout éprouvant, allant jusqu'à flirter avec le slasher-movie dans certaines séquences. Ce qui traverse le film c'est surtout une profonde mélancolie qui fait écho à un certain 3h10 pour Yuma réalisé par le même James Mangold. Donc à défaut d'être un chef-d’œuvre Logan est un FSH vraiment novateur pour le genre et presque marqué par une intention d'auteur. Mais surtout c'est un film qui reflète bien son époque, et là vous pouvez sortir les mouchoirs.

En effet si l'on regarde attentivement, dans Logan les ennemis ne sont plus d'autres mutants ni même l’État, (qui n'est même pas mentionné durant la totalité du film), il s'agit en réalité d'une multinationale pharmaceutique qui fabrique des armes. L'adversaire est donc un milliardaire représentant le grand capitale, mais qu'en est-il du héros ? C'est une épave qui fuit et qui se casse les dents face à plus fort et plus nombreux que lui. Logan est un film qui témoigne d'une certaine désillusion de notre génération. On ne croit plus au super-héros qui sauve seul le monde, pour qu'un héros nous plaise, il doit être humain, voir même moins qu'humain, un misérable qui subit plus qu'il ne se bat. Sans entrer dans le débat politique, cela témoigne d'une période de doute et trouble. Où l'on croit moins en moins en l'état ni au bien-fondé de nos systèmes politiques mais les idéaux révolutionnaires soixante huitard ne sont plus là pour ré-équilibrer la balance de la colère. Ce sentiment est encore mieux illustré dans Nocturama de Bertrand Bonello qui raconte comment des jeunes un peu paumés commettent l'irréparable et le payent au centuple. Toutefois un reflet n'est jamais qu'une réalité partielle et même si Logan termine sur une destruction de symbole, l'espoir n'est pas mort pour autant, au contraire, il est porté par une jeune génération lucide mais bienveillante. Et comme nous l'a montré la fin de la période du western, c'est souvent lorsque l'on pense toucher le fond que l'on aperçoit des horizons jusque là inaccessibles.

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